Paris et Berlin cherchent à s’entendre

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Par Cécile Calla

Publié le - Mis à jour le

Lors d’une visite d’État de trois jours en Allemagne, la première depuis la visite de Jacques Chirac en 2000, le président Emmanuel Macron a envoyé une série de messages rassurants et a évoqué une nouvelle dynamique européenne avec son homologue allemand, le chancelier Olaf Scholz.
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© Compte X Emmanuel Macron
Emmanuel Macron en compagnie du président allemand Frank-Walter Steinmeier.

 

Rassurer sur la solidité du couple franco-allemand et la volonté d’avancer ensemble : tel était le mot d’ordre de la visite d’État du président Emmanuel Macron en Allemagne du 26 au 28 mai. Sur ce point, le voyage du président français a sans aucun doute été un succès. Après de nombreux mois émaillés de malentendus et tensions, cette visite qualifiée d’ « historique » par le chancelier social-démocrate Olaf Scholz aura à la fois permis de rappeler les fondamentaux du franco-allemand, mettre en garde contre le vote d’extrême droite des deux côtés du Rhin dans la perspective du scrutin européen du 9 juin et formuler des impulsions pour l’avenir du continent européen.

Une grande symbolique

Le programme était riche en symboles : visite du Mémorial de l’Holocauste pour rappeler que l’Europe et l’amitié franco-allemande sont nées sur les décombres encore brûlantes de la Seconde Guerre mondiale, visite dans un centre de recherches en Saxe pour échanger sur l’intelligence artificielle et discours sur l’Europe dans la vieille ville reconstruite de Dresde, cité baroque presque entièrement détruite par les bombardements alliés de février 1945 et l’un des lieux-clés de la révolution pacifique de 1989.

De plus, l’engagement européen du président français, qui n’a pas toujours été accueilli avec beaucoup d’enthousiasme de la part des officiels allemands, s’est vu récompensé mardi 28 mai par le Prix international de la Paix de Westphalie. En revanche, ce voyage d’une ampleur sans précédent depuis la visite d’État de Jacques Chirac en 2000 n’aura pas permis d’aboutir à des résultats concrets sur les dossiers les plus sensibles. Certes, le chancelier allemand social-démocrate Olaf Scholz et le président français se sont engagés à renforcer la sécurité et la défense du territoire européen et à apporter toute l’aide nécessaire à l’Ukraine, n’excluant pas tous deux, même si c’était plus explicite dans la bouche du président français, d’autoriser l’Ukraine à frapper des cibles militaires sur le territoire russe. Ils ont également confirmé qu’ils étaient prêts à coopérer pour développer en commun de nouveaux matériels de frappe.

Pour une Europe souveraine

Les deux dirigeants veulent également formuler un agenda pour la compétitivité et la croissance en Europe. Parmi les instruments cités, l’aboutissement de l’union bancaire, un projet discuté depuis de nombreuses années, la mise en oeuvre d’un marché unique des capitaux et la nécessité de créer un choc d’investissements. Selon les estimations de la Commission européenne, les besoins en investissements supplémentaires se montent à plus de 620 milliards d’euros par an pour atteindre les objectifs du Green Deal et mettre fin à la dépendance au gaz et pétrole russes. Les sujets controversés tels que le bouclier européen antimissile, le projet Sky Shield lancé à l’initiative de l’Allemagne, ou de nouvelles règles d’endettement européen n’apparaissent pas dans les déclarations communes. Si ces engagements peuvent sembler en deça des attentes, il ne faut pas sous-estimer les retombées à long terme d’un tel voyage. Prendre le temps d’un échange direct est précieux à une époque où les négociations entre dirigeants se déroulent le plus souvent à distance. On peut faire le parallèle avec le voyage du général de Gaulle en septembre 1962 qui avait parcouru l’Allemagne durant six jours, ouvrant par là la voie au traité d’amitié franco-allemand signé le 22 janvier 1963. « Nous nous mettons toujours d’accord », a affirmé le chancelier allemand tout sourire sur le perron du château de Meseberg. Les prochaines semaines permettront de mesurer la portée de ce voyage.

« Un nouvel agenda pour la compétitivité et la croissance »